tweet art, 2013
La magie est une
tradition païenne, qui vise la puissance et le contrôle des esprits et des
personnes. Mais son évolution religieuse monothéiste a prétendu nous révéler le
sens de notre vie, visant moins à changer le monde d’ici-bas qu’à y faire
régner une morale individuelle prometteuse d’au-delà paradisiaque. Pour la
religion, ce n’est évidemment pas la technoscience, mais l’éthique qui nous
sauvera, faute de quoi le Dieu monothéiste peut nous faire périr par le déluge
ou par ses habituels fléaux. Le christianisme n’avait pas l’ambition d’imposer
une morale collective, mais plutôt de nous inviter chacun individuellement à
sauver notre âme dans un monde terrestre de péché destiné à finalement
disparaître. Nous savons aujourd’hui deux choses de plus qui sont de la plus
grande importance. Premièrement, nous sommes passés de l’idée d’une morale
individuelle capable de nous sauver individuellement à une éthique planétaire, seule
capable de nous sauver collectivement. Deuxièmement, ce n’est pas la
technoscience mais l’éthique planétaire, qui pourra changer le monde pour le
meilleur. Car que nous importerait de sauver un monde toujours aussi scandaleux
que celui d’aujourd’hui, si nous ne croyions pas à notre capacité de
l’améliorer considérablement ?
Et l’esthétique ne
saurait être un cache-misère, un voile artistique sur des horreurs
insupportables. Elle ne se justifie que si elle se lie à l’éthique. Nous
redécouvrons cette idée ancienne de lien entre le beau et le bien ! Elle
doit être capable de nous donner accès à cette valeur morale qui nous dépasse
individuellement. Déjà Robert Motherwell exprimait cette exigence :
« sans conscience éthique, un peintre n’est qu’un décorateur ». Nous
parlons bien sûr désormais d’éthique laïque, car l’éthique religieuse ne peut
sauver que des âmes individuelles. Jadis, seul Dieu pouvait sauver le monde. Et
aujourd’hui c’est l’humanité qui a le pouvoir de détruire ou de sauver la
Terre.
Face aux scandales
terrestres, contre l’homme l’art plaide pour l’humain. Il peut contribuer à une
sortie de crise aussi bien politique qu’esthétique. Notre fragilité humaine ne
saurait nous dispenser d’en embrasser l’ambition. Je voudrais, pour le dire,
avoir des mots rageurs, écrire avec de l’encre rouge l’indignation profonde que
l’on ressent face à l’exploitation et au
cynisme généralisés qui entraînent tant de manques flagrants et répétés aux
droits humains élémentaires auxquels nous assistons.
On peut donc
prédire que c’est la vision éthique des artistes, qui déterminera de plus en
plus leur représentation du monde. La
beauté que l’homme peut ajouter collectivement au monde est éthique, dans le
sens où l’on parle par exemple de commerce équitable, de développement durable
et solidaire. Et elle constitue la seule réponse possible, en fait
incontournable, au désenchantement généralisé d’aujourd’hui. L’éthique, c’est
seulement l’exigence de justice humaine, ici-bas, et non pas divine, au-delà,
comme le promettait la religion. En ce sens, et en ce sens seulement, l’art
pourrait devenir un art de vivre ensemble. Voilà l’art de l’avenir.
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