jeudi 21 avril 2011

L'art philosophique, une tendance nouvelle et forte

Quoi qu'en aient pu dire Platon, Hegel et Baudelaire, l'art et la philosophie ont partie liée. On ne peut plus opposer une lucidité rationnelle de la philosophie à une dérive sensible et imaginative de l'art, voire à un jeu d'illusions ou de tromperies, comme le prétendait Platon. De plus en plus d'artistes développent des pratiques conceptuelles, sociologiques, critiques qui interrogent nos valeurs, le sens de l'aventure humaine, nos mythes, y compris celui du rationalisme, et accordent de plus en plus d'importance à l'éthique. Ils interviennent ainsi dans nos grands débats sociaux, ceux de la justice, de l'écologie, de la technoscience, de la mondialisation et de la diversité culturelle, etc. On peut même considérer que l'éthique domine désormais les enjeux esthétiques dans l'art actuel. J'ai moi-même constamment soutenu l'idée d'une esthétique interrogative, qui me semble compter beaucoup plus que la créativité esthétique dans la création actuelle. Tout n'a-t-il pas été exploré, assumé, y compris le plus décoratif, le plus laid, le plus trivial, le plus déjanté, le plus classique, le plus élitiste dans le domaine esthétique du geste, de la couleur, de la composition, etc.?S'en tenir à une recherche esthétique n'est plus pensable aujourd'hui. Lorsque l'éthique commande l'esthétique, en revanche, elle lui redonne sa force expressive et sa légitimité. L'art - celui qui compte à nos yeux, celui des plus grands artistes - devient nécessairement philosophique. Il faut en finir avec le préjugé des vieilles catégories. Dire qu'un art philosophique est ennuyeux, sans créativité, d'une esthétique médiocre, c'est répéter les vielles rengaines, sans s'être posé vraiment les questions importantes de l'art, ni savoir ce que peut être la philosophie actuelle, loin des académismes universitaires et scolastiques.
Cela pouvait se comprendre à l'époque de Baudelaire, romantique, centrée sur des problématiques esthétiques encore d'une grande importance. Aujourd'hui, l'esthétique est une question épuisée, qui n'est plus d'actualité. Personne ne se pose vraiment cette question, pourtant d'une importance majeure. Certes, l'esthétique a sa place dans toute création artistique, elle doit servir le projet de l'artiste, mais elle ne peut plus venir au premier rang dans l'oeuvre d'art. Elle doit répondre à d'autres exigences, qui la commandent, qui sont sociales et éthiques.
C'est pourquoi j'assume de plus en plus clairement cette démarche philosophique en art, comme beaucoup d'autres artistes d'aujourd'hui. Je ne me soucie pas des critiques traditionalistes et je crois utile de nous en libérer en revendiquant cette liberté et cette posture d'un art philosophique, qui sera sans doute la marque de ce XXIe siècle, comme le romantisme a été celui du XIXe et l'avant-gardisme celui du XXe siècle.

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