mercredi 21 mai 2014

La logique de l'économie érigée en loi sociale destructrice


L’économie semble aujourd’hui nous imposer sa loi, au sein de chaque société comme dans les relations internationales entre les pays. Nouvelle pensée unique du néo-libéralisme, elle est devenue une sorte de religion planétaire. Le sociologue de l'économie Wolfgang Streeck, Directeur au Max-Planck-Institut für Gesellschaftsforschung à Köln et René Stettler l’ont analysée comme la foi d’une secte, avec ses prêtres, ses initiés et le bon peuple qui doit payer la dîme et s’agenouiller devant ses dogmes. Les initiés, experts en théologie spéculative, nous ont même imposé l’économie imaginaire, au nom de laquelle toutes les crises, le chômage généralisé et l’exploitation des pauvres par les riches seraient des nécessités économiques. 99% d’indignés par 1% de richissimes privilégiés : ce serait la nature économique même qu’on ne changera pas. Quelques riches toujours plus riches, ceux qui savent faire et qui n’ont pas de scrupule, face à la masse des gens ordinaires, dont le pouvoir d’achat et les retraites vont à la baisse. La loi du plus fort est au cœur de cette idéologie économique, comme un nouveau darwinisme qui opère une sélection naturelle et doit soumettre les plus faibles aux mâchoires du lion.
Au-delà de l’indignation et de la révolte à laquelle cette situation nous inspire, le pire ne semble pas être les excès eux-mêmes. Le pire, c’est que l’économie imaginaire est devenue non seulement une pseudoscience, dont l’irrationalité est érigée en loi, mais même une logique sociale. Les sociétés de masse ont perdu cette solidarité organique qui assurait leur cohérence, leur consensus, et un sentiment de responsabilité partagée. L’économie n’est plus qu’une solidarité mécanique des masses. Elle est devenue, face au vide des relations entre les personnes, le principal lien qui régit désormais nos rapports sociaux. On peut ne pas regretter les consensus religieux d’autrefois, les humanismes bourgeois hypocrites de jadis, aujourd’hui décrédibilisés par les catastrophes militaristes du XXe siècle. Mais rien ne semble les avoir remplacés, sauf les nécessités économiques érigées en obligations, qui semblent être devenues LA nouvelle morale collective, LA nouvelle loi des échanges humains. Ceux qui dénoncent la religion de l’argent comme le degré zéro des rapports humains en seront pour leurs frais. Nous sommes confrontés à un intégrisme économique, aussi erratique que violent.
On dira que la dictature de l’économie et de l’argent vaut mieux que celle des chefs de guerre et des églises intégristes. Elle serait la moins pire ? Peut-être est-ce vrai. Mais nous voilà devant le vide : quelles nouvelles valeurs pourrons-nous ériger en logique sociale ? C’est bien aujourd’hui la question incontournable. Et sur le chemin qui mène à de nouvelles idéologies moins destructrices que l’intégrisme économique, la recherche d’une meilleure justice sociale, d’une équité plus consensuelle, passe par la régulation de l’économie pour contenir ses abus. Humaniser l’économie. Ce serait un pas dans une meilleure direction. Nous avons besoin de continuer à croire au progrès humain. Nous avons besoin de construire un hyperhumanisme et une éthique planétaire. Plus d’humanisme grâce à plus d’hyperliens. C’est un paradoxe que le code binaire et les technologies numériques créent non seulement de la réalité augmentée, mais aussi une conscience augmentée. Nous sommes désormais informés en temps réel de tous les scandales qui se multiplient dans nos sociétés humaines partout sur la Terre. Cette information constante crée de l’indignation et un sentiment de responsabilité de chacun vis-à-vis de chacun qui nous donne l’espoir de développer peu à peu cet hyperhumanisme qui nous permettra de contenir, puis un jour de mettre fin à cette dictature caricaturale de la loi économique érigée en dogme planétaire.


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